Propos recueillis par Ombeline Degermann

La contraception et le cycle menstruel sont encore bien souvent perçus comme des sujets exclusivement féminins. Pourtant, ils peuvent avoir un impact direct sur la dynamique d’un couple, sa communication, sa sexualité et son équilibre au quotidien. Et si nous mettions ces questions au cœur de la relation? Pour aller plus loin sur ce sujet, nous avons eu la joie de rencontrer Laurène Sindicic, fondatrice d’Émancipées, une plateforme dédiée au cycle féminin qui milite pour une approche plus partagée et consciente de la fertilité. À travers son livre Manuel pour une fertilité émancipée (Hachette), mais aussi via son Serenity Club, qui forme les couples à la symptothermie (une méthode basée sur l’observation du cycle) Laurène invite les couples à repenser leur relation à la contraception et au cycle menstruel. Dans cet échange mais aussi dans une capsule spéciale du podcast “Au cœur du couple”, Laurène nous éclaire sur les enjeux d’un partage plus équitable de la contraception et sur les bienfaits d’une meilleure compréhension du cycle féminin au sein du couple.

Une meilleure connaissance du cycle féminin par les hommes

Est-il important que les hommes comprennent le cycle menstruel de leur partenaire ?

Oui, c’est même essentiel. Au-delà de la contraception, le cycle influence énormément l’énergie, l’humeur et le bien-être global de la femme. Le syndrome prémenstruel (SPM), la préménopause… toutes ces fluctuations hormonales peuvent être de véritables tempêtes à vivre, et mieux les comprendre peut éviter bien des tensions au sein du couple.

Lorsqu’un homme sait à quel moment du cycle se trouve sa partenaire, il peut ajuster son attitude, faire preuve de plus de patience et de bienveillance. La préménopause, par exemple, est une étape qui peut être vertigineuse sur le plan hormonal. Être informé, c’est être mieux préparé, et donc mieux accompagner sa moitié.

Cycle et sexualité : repenser l’intimité à deux

Quels bénéfices un couple peut-il tirer d'une meilleure connaissance du cycle féminin dans sa sexualité ?

Quand on comprend comment fonctionne le cycle, on est naturellement plus tolérant, plus patient, plus à l’écoute. Dans la sexualité, cela peut aussi permettre d’aborder les choses autrement. La libido varie en fonction des périodes du cycle, et plutôt que de le subir, on peut en faire un allié.

Dans la phase fertile, par exemple, le désir est souvent plus fort. À d’autres moments, il peut être plus en retrait. Plutôt que de considérer ces fluctuations comme une contrainte, pourquoi ne pas en faire une opportunité? Au moment de l’ovulation et si on ne souhaite pas de grossesse, pourquoi ne pas explorer d’autres formes d’intimité ? La sexualité ne se résume pas à la pénétration : elle peut être réinventée, déconstruite en fonction des périodes du cycle, en misant sur la communication, la tendresse, d’autres formes de plaisir.

La contraception : un sujet de couple encore trop porté par les femmes

Quels défis la contraception présente-t-elle encore au sein des couples ?

Le grand défi reste la question du partage de la charge contraceptive. Depuis les années 1960 et l’arrivée de la pilule, la contraception est devenue une affaire de femmes, alors qu’elle concerne avant tout le couple. Aujourd’hui, on sait que la pilule a des effets secondaires, parfois lourds, sur la santé physique et émotionnelle des femmes. Pourtant, elles continuent bien souvent à porter seules cette responsabilité.

Il est essentiel de rééquilibrer cette charge pour que chacun se sente à l’aise et impliqué dans les choix contraceptifs du couple. Il faut aussi rappeler qu’une femme n’est fertile que quelques jours par mois, et pourtant, on choisit souvent une contraception qui bloque son cycle en permanence. C’est un sujet qui mérite d’être repensé ensemble.

En parler en couple: les clés

Comment bien communiquer sur ce sujet ? Quelles sont les bonnes questions à se poser ensemble ?

L’idéal est d’aborder ce sujet sans confrontation. Une discussion posée et bienveillante est toujours plus constructive qu’un débat frontal. Beaucoup d’hommes ne se posent pas spontanément la question des effets de la contraception féminine : c’est donc essentiel de leur apporter une information neutre et objective, de leur expliquer l’impact que cela peut avoir sur la santé, l’humeur, la libido.

L’important est de réfléchir ensemble aux alternatives, si la contraception hormonale ne convient plus. Il en existe de nombreuses, mais encore faut-il savoir qu’elles existent. L’idée n’est pas de pointer du doigt, mais de se rappeler que la contraception est un enjeu à deux. Comment peut-on trouver une solution qui nous convient à tous les deux ? C’est cette réflexion commune qui permet un meilleur équilibre.

Vers un partage plus équitable de la contraception

Quels conseils donneriez-vous pour mieux répartir la charge contraceptive dans un couple ?

La première étape est de se demander si la charge est équilibrée ou non, et subie ou non. Si elle ne l’est pas, c’est l’occasion de réfléchir ensemble à d’autres options, d’apprendre à mieux connaître le cycle et de voir comment ajuster sa vie intime en conséquence.

Se former à deux à la gestion naturelle du cycle peut être une solution. Cela permet de comprendre quand la femme est fertile et d’adapter le rythme du couple en fonction, sans qu’il y ait d’injonction ou de pression.

Mais surtout, il faut parler. Une contraception qui repose sur le sacrifice de l’un des deux n’est jamais une bonne solution. Ce qui fonctionne, c’est une approche commune, où chacun se sent respecté et entendu.